Cinéma

L’Île aux chiens, génie d’Anderson

Retrouver un film de Wes Anderson c’est plonger à chaque fois dans cette ambiance ocre qu’on lui connaît, qui nous enveloppe tout entier, pour nous relâcher uniquement à la fin. Pour la sortie de L’île aux chiens, je me suis interrogée sur sa manière d’égaler un minimum son Fantastic Mr Fox. Mais le mec oscille, sans nous faire croire que c’est compliqué de passer de l’un à l’autre, entre les films d’animation et de prises de vue réelles, et le résultat est encore une fois à la hauteur de nos espérances.

Point positif non négligeable, on attend du Wes Anderson et, pour notre/mon plus grand plaisir, on en a. Note personnelle : je croise simplement les doigts pour qu’il ne tombe jamais dans cette spirale, que je nommerai la spirale ‘Tim Burton’, avoir sa patte c’est bien, s’enfermer dedans attention ! Dans cette veine-là, il faut toujours tenir le niveau, la qualité et l’originalité, se renouveler pour ne pas lasser. Pour l’instant, c’est parfait et ça fonctionne. On retrouve les fidèles ficelles Anderson. Une bande son de folie alternant ici percussions militaires, nippones, pétillantes – parfaites pour son thème – et des musiques rétro et entraînantes comme à son habitude. Un sujet travaillé, profond et toujours ponctué de cet humour subtil, presque froid, qui lui va si bien. Et évidemment (!) une image très structurée, des plans larges à la composition très photographique, un travail sur la symétrie, sur l’assemblage des couleurs, sur les limites du cadre. Wes Anderson crée une œuvre au sens large, rien n’est laissé au hasard et ça se voit !

Comme pour Fantastic Mr Fox, on a une animation très mature – je ne répèterai jamais chiensassez que l’animation n’est pas destinée qu’aux enfants – qui s’inscrit dans un contexte politique très actuel et reprend un stop motion particulièrement vivant. Ces chiens, à l’allure d’anciennes peluches au poil animé, vont surfer sur le jeu du décalage qu’utilise constamment le réalisateur. Sur un rythme à la fois lent et dynamique – chaque chose naît de son contraste – on va avoir des bestioles pouilleuses au langage très soutenu, avec une classe et un bon vivre très british, et des divergences politiques très mesurées ou très réac’, dans une ambiance très guerrière et en même temps très enfantine (narrateur en voix off, utilisation des chapitres littéraires, petits commentaires humoristiques…). Ce conte, basé sur la légende japonaise du Garçon Samouraï, va s’emmitoufler d’histoires dans l’histoire, amenant une multitude de personnages aussi intéressants que hauts en couleur, faisant ainsi grossir le récit comme une boule de neige. Petite objection toutefois, cela fait partir le récit assez loin, donnant une légère longueur sur la dernière partie du film (qui ne dure qu’1h41) pour atterrir sur une fin plutôt facile…malgré tout, on lui pardonne aisément.

636572661802342495-000-084-iod-2k-scope-014.00089406Entouré de son équipe de fidèles (Jason Schwartzman, Roman Coppola, Alexandre Desplat) avec un casting toujours à tomber (les traditionnels Bill Murray et Edward Norton, Scarlett Johansson, Jeff Goldblum, Brian Cranston, Tilda Swinton et…Yoko Ono !), Wes Anderson prend soin d’aborder par des moyens détournés, c’est-à-dire en l’appliquant aux chiens, des sujets délicats tels que la ségrégation, l’isolement d’une communauté jugé « dérangeante » pour la société, la manipulation des masses, le contrôle de l’information, la gestion de la science sur fond d’industrie et les magouilles personnelles au nom de l’intérêt commun. En se basant sur l’amou(uu)r de nos camarades à quatre pattes, il livre avec ce scénario et ces dialogues de pure qualité une fable à l’animation sensible, dans laquelle on retrouve son goût pour l’Asie et les légendes. Destiné aux grands enfants et aux jeunes adultes, le film aborde bien sûr les jolis thèmes de l’amitié, de la loyauté, de l’amour, de l’entraide et (ça ne fait jamais de mal) une bonne dose d’engagement politique bien senti.

Alors deux conseils :

– Si vous pensiez emmener votre enfant de 4 ans voir un « dessin animé » du dimanche, je suis désolée de vous dire que ce ne sera malheureusement pas très adapté

– Autrement, que faites-vous encore là ? Allez m’écouter cette bande son et foncez voir le film !

La Moustache

                              L’île aux chiens, de Wes Anderson – Sortie le 11 avril 2018ISLE OF DOGS PHOTO3

12 réflexions au sujet de “L’Île aux chiens, génie d’Anderson”

  1. Oh oui. Je crois que dans ma très limitée connaissance cinématographique, Wes Anderson est un des premiers réalisateurs où je me suis dit « Ce gars-là, j’aime ce qu’il fait, son nom me suffit à être tentée » ! Je vais essayer d’aller le voir au ciné, mais je ne suis pas sûre d’y arriver et je devrai sûrement attendre 😦

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    1. Oui, ce qui est super avec lui c’est qu’il fait à la fois des films de qualité tout en étant original et attrayant. J’espère de tout coeur que tu pourras le voir 🙂
      Tu m’en diras des nouvelles 😉

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    1. Je peux comprendre, il a une grosse identité visuelle qui peut ne pas plaire à tout le monde. Malgré tout, le contenu, la narration, le rythme et la conception du film sont vraiment très aboutis et font que tu oublies presque l’esthétique. Si tu aimes les histoires bien faites, je t’assure qu’on rentre aisément dans le film. Après il en faut pour tous les goûts 😉

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        1. Merciii! On est plusieurs copines à faire vivre ces Jolis Choux alors s’il te plaît aussi on est ravies! On s’échangera nos points de vue avec plaisir si tu veux 🙂

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