Littérature

Mille petits riens – Jodi Picoult

unnamed (1)Je viens de terminer la lecture de Mille petits riens de Jodi Picoult, et comme d’habitude, je me dis qu’il ne faut pas attendre pour traduire mon ressenti à l’écrit, alors me voilà !

C’est la première fois que je lis un ouvrage de cette auteure dont je ne connais absolument pas la bibliographie, et je ne vais pas entretenir de suspense inutile : cette rencontre ne pourra que donner lieu à un prochain rendez-vous !

Mais avant cela, laissez-moi vous parler de son dernier livre en date : Mille petits riens.

Mille petits riens, c’est le parcours de trois personnages, autour d’une seule et même histoire.

  • On commence par faire la connaissance de Ruth Jefferson, infirmière obstétrique reconnue par ses pairs, travaillant dans le même hôpital depuis vingt ans, veuve, maman d’un ado de 17 ans… et afro-américaine.
    Le destin fera que Ruth, de part son travail, croisera la route de Turk Bauer.
  • Turk a 25 ans, il est marié à Brittany, qui vient d’accoucher de leur premier enfant, un petit garçon nommé Davis. Turk est aussi… un suprématiste blanc. Il demandera très vite à ce que Ruth ne soit pas en contact avec son fils.
    Ruth reçoit donc l’ordre de ne pas toucher de quelque manière que ce soit l’enfant de cet homme. Quelques jours plus tard, Ruth se retrouve malgré elle dans la même pièce le petit garçon, qui décédera malheureusement sous sa surveillance.
    Le destin fera aussi que Ruth, de part ce triste événement, se verra interdire d’exercer son métier et accusée du meurtre avec préméditation de l’enfant, et rencontrera de ce fait son avocate commise d’office, Kennedy McQuarrie.
  • Kennedy est une jeune avocate qui a choisi une carrière dans le droit public, plutôt que d’entrer dans un cabinet privé. Elle est mariée depuis six ans à un médecin ophtalmologue, Micah, avec qui elle a une petite fille de 4 ans, Violet. Kennedy est pleine de bonne volonté, elle veut aider les gens, peu importent leur religion ou leur couleur de peau. Elle vit dans le même quartier que Ruth mais elle est… blanche.

Voilà pour vous poser un peu les bases de cette histoire. Ce n’est sûrement pas le meilleur résumé que je peux en faire d’ailleurs, mais il me semble qu’à travers ces lignes, les éléments « moteurs » du récit sont retranscrits.

L’écriture de Jodi Picoult est très agréable, fluide, on se laisse tout de suite entraîner dans ce récit où s’alternent successivement les points de vue des trois protagonistes principaux. Dès le départ, on sait, on sent, que la lecture va nous bousculer, autant que l’histoire en elle-même bouscule chacun des personnages.

Il n’y a pas de temps mort, et on suit tour à tour Ruth, Turk et Kennedy, dans ce qui leur arrive, dans leur cheminement personnel.
Ruth a passé sa vie à se fondre dans la masse, à tout faire pour être exemplaire sans se faire remarquer pour autant. Diplômée de Yale, sa carrière d’infirmière est une réussite. Elle s’est battue toute son existence, pour rendre fière sa mère d’abord, et pour garantir la meilleure vie possible à son fils, Edison. Quand elle se retrouve accusée de meurtre sur un bébé dont on lui avait interdit de s’occuper parce qu’elle est Noire, Ruth est progressivement transcendée par cette injustice qui n’existe qu’en raison de sa couleur de peau. Tout au long du récit, elle laissera petit à petit la colère qui gronde en elle depuis l’enfance s’exprimer.

Turk est un cliché à lui tout seul. Après une enfance malheureuse (un frère décédé, une mère alcoolique, un père qui déserte le foyer et un grand-père aussi charismatique que terrifiant), il se laisse petit à petit envahir par la colère et n’aura de cesse que de pourchasser les êtres humains qu’il estime ne pas être représentatifs de son espèce (donc plutôt avec un taux de mélanine assez élevé). Après avoir réussi à intégrer un mouvement suprématiste où il aura le sentiment d’être enfin à sa place, il trouvera en Brittany la déesse aryenne de ses rêves. Le décès de son fils, qui ne peut être que du fait de cette infirmière Noire, ne fera que renforcer sa haine.

Kennedy est pétrie de bonnes intentions. Elle veut être utile. Après ses études, elle aurait pu choisir d’intégrer un cabinet privé d’avocats, ce qui lui aurait assuré, si ce n’est une renommée, mais surtout un salaire plus que confortable. Mais le salaire, son mari s’en charge. En contrepartie, il lui a fait promettre de se battre pour l’idée qu’elle se faisait de la justice sociale. Elle enchaîne donc les procès et comparutions immédiates en tant qu’avocate commise d’office. Le jour où elle rencontre Ruth, elle se fait un devoir de sortir cette femme de sa situation, sans comprendre les réels enjeux de ce procès, qui lui feront ouvrir les yeux sur sa propre condition, et sur son rapport au monde.

Jodi Picoult aborde le racisme aux États-Unis de manière très juste je pense. Elle soulève beaucoup de points qui peuvent tout à fait être transposables dans notre propre société européenne où ce sujet est tout autant d’actualité.

Dans une note à la fin du livre, l’auteure explique son cheminement et pourquoi elle a voulu écrire sur ce sujet. Elle avoue avoir toujours eu cette idée en tête, elle avait d’ailleurs déjà commencé un manuscrit il y a plusieurs années, mais l’angle qu’elle avait choisi à ce moment là ne lui semblait pas être le bon. Parce qu’elle ne voulait pas être cette femme blanche, issue d’un milieu aisé, qui écrit en prétendant comprendre ce par quoi passe une personne Noire aux États-Unis tout au long de sa vie.
Jodi Picoult nous livre ainsi son cheminement d’écriture, sur les rencontres qu’elle a pu faire et qui l’ont aidées dans la rédaction de ce livre puissant. Elle nous explique comment elle a ouvert les yeux sur sa propre condition, et les nombreux privilèges qui découlent implicitement d’une peau blanche. Son témoignage concorde beaucoup avec le cheminement de Kennedy tout au long du livre, et c’est un personnage auquel je me suis pas mal identifiée aussi.

Tout au long de la lecture, Jodi Picoult nous bouscule, nous remets à notre place, nous choque, nous ouvre les yeux, à travers ses personnages. C’est marrant parce qu’après la lecture, je ne sais pas moi même si je suis légitime à parler de cet ouvrage et si j’emploie les bons mots. Si vous lisez Mille petits riens, je vous renvoie à la plaidoirie finale de Kennedy, et vous comprendrez pourquoi je dis ça… 🙂

En attendant, je terminerai avec les mots de Ruth :

C’est dingue : on peut se regarder toute sa vie dans un miroir en pensant voir une image nette, et puis un jour, on décolle une fine pellicule grise d’hypocrisie et on se rend compte qu’on n’a jamais vraiment vu son vrai visage.

Bonne lecture à toutes et tous, j’espère pouvoir échanger sur ce roman qui vaut vraiment le coup d’oeil !

Le Joli

 

 

 

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