Littérature

Onze jours avec Lea Carpenter

Dans le cadre de la rentrée littéraire 2018 et grâce au Picabo River Book Club, Léa Touch Book et les Éditions Gallmeister, j’ai eu la chance de découvrir, après L’habitude des bêtes paru aux Éditions Delcourt, le très beau premier roman de Lea Carpenter : Onze jours.

Une chance, mais pas une surprise, car quand il s’agit du Picabo, de Léa et de Gallmeister, je ne suis jamais déçue… et ça se vérifie une fois encore avec cet ouvrage !

IMG_7305Onze jours, c’est l’histoire d’une mère, Sara, et de son fils, Jason. Il y a eu un père, mais il ne fait plus – directement – partie de l’équation depuis bien longtemps. Sara a élevé Jason seule, en lui ouvrant l’esprit sur le monde, en lui donnant toutes les chances pour qu’il intègre une prestigieuse université, qui lui donnerait par la suite accès à une belle et longue carrière à un poste très haut placé.
Mais à 17 ans, Jason est bouleversé par les attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001. Après cet événement tragique, il décide de s’engager au sein de l’armée pour intégrer le corps des SEAL. Sara ne pourra rien faire contre la détermination de son fils à servir son pays et le soutiendra à chacune des étapes, malgré sa peur des dangers que son enfant, devenu grand, devra affronter, bien loin de la route qui semblait tracée pour lui initialement. Très vite, Jason s’avérera très doué pour les missions sur lesquelles il est envoyé. Et puis un jour, lors de l’une d’elle, il disparaît.

Onze jours, c’est la durée pendant laquelle Sara est sans aucune nouvelle de son fils.
Onze jours, à attendre.
Onze jours, à se refaire le film de sa vie.

Il m’a fallu quelques dizaines de pages pour bien rentrer dans le livre, parce qu’on se retrouve assez vite face au jargon militaire américain, et que c’est quelque chose que nous sommes, je pense, assez peu à maîtriser, moi la première. L’adaptation aurait pu être plus rapide si j’avais pris connaissance dès le départ du lexique présent à la fin du livre, mais j’ai décidé de me débrouiller sans, et de vérifier à la fin de ma lecture si j’avais bien capté les choses (verdict : je m’en suis plutôt bien tirée !).
Hormis ce petit détail, que je ne considère pas comme gênant, les bases sont très vites posées et on est facilement immergé dans l’histoire de ce duo mère-fils, très proches et pourtant si éloignés.

Le récit est très bien construit, on alterne entre le vécu de Sara et celui de Jason. Il y a constamment un parallèle entre les différentes étapes et épreuves qu’ils traversent tous les deux, et l’auteure s’attarde énormément (et c’est tout l’intérêt du récit d’ailleurs) sur les personnalités et les psychologies de ses deux protagonistes.

Sara tout d’abord, devenue mère à l’aube de ses vingt ans, et qui a du se débrouiller très vite pour élever son fils. On comprend très vite que c’est une personne assez secrète, très en retenue, qui a beaucoup serré les dents pour avancer coûte que coûte, pour son fils, la seule personne au monde qui compte pour elle. Tout la concernant est évoqué de manière très subtile et pudique, que ce soit sa relation avec le père de son fils – un homme mystérieux, charismatique qu’on déteste quasi-immédiatement (enfin, que moi j’ai détesté tout de suite en tout cas), celle qu’elle entretient avec Jason ou bien tout simplement avec elle-même.
Un très beau personnage que l’on observe faire face à une situation insupportable. Ce qui interpelle, et ce dont on ne peut être qu’admiratif, c’est la façon dont elle lutte pour ne pas perdre pieds. Un footing, un potager, une plongée dans un souvenir, une rétrospective sur sa vie. Elle tient bon et se refuse à toute conclusion, positive comme négative. Elle attend. Toute la force de Sarah transpire à chaque ligne. Une force dont elle a fait preuve toute sa vie, mais qui ne cache pas pour autant sa sensibilité.

Et puis, il y a Jason. Ce petit garçon que l’on devine inventif, créatif, ouvert et curieux de tout, qui devient cet adolescent qui avait devant lui une voie toute tracée vers l’université et le succès. Tout bascule ce jour de septembre 2001. Ce jour où il décide que sa vie, il la consacrera à la protection de son pays. Ce jour où sa vie change, et avec elle, celle de sa mère. Ce jour à partir duquel il deviendra progressivement un homme respecté par ses pairs.
Tout de suite, on comprend qu’à travers le cheminement de Jason, c’est en fait celui de milliers de jeunes américains que l’on suit. Lea Carpenter aborde un sujet que je n’avais jamais ne serait-ce qu’effleuré, à savoir l’engagement de toutes ces jeunes recrues qui a découlé du 11 septembre.
Finalement, ce qu’on prend au début pour un élan de patriotisme est en fait bien plus subtil que ça et c’est ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant. Si on peut remettre en question les actions des USA suite aux attentats du World Trade Center, on ne peut sous-estimer le sentiment qui a envahi les esprits des américains, notamment la jeune génération. Concrètement, on sait très bien que si ces événements n’avaient pas eu lieu, Jason ne se trouverait sûrement pas là où il est actuellement, mais sûrement bien au chaud dans un bureau. Pour autant, quelque chose en lui s’est éveillé ce jour-là, et depuis il vit avec. Il s’est engagé avec. Il part en mission avec. On l’observe grandir, évoluer, épauler ses camarades qui doutent, et affronter ses propres questionnements. Combien sont-ils à avoir eu ce parcours à partir de cette date-là ?

Bien plus qu’un livre sur la guerre, c’est en fait un livre sur l’amour qu’on tient entre nos mains. L’amour universel, sous toutes ses formes. Celui d’une femme pour un homme, d’une mère pour son enfant, d’un fils pour sa mère, d’hommes pour leur pays, d’un soldat pour ses camarades.

Lea Carpenter signe un premier roman puissant, émouvant, et, il faut le souligner parce que le boulot a dû être énorme de ce point de vue aussi, très bien documenté. On a là énormément de termes propres à l’armée américaine ainsi qu’au renseignement. C’est vraiment très intéressant, d’autant plus que le récit s’inspire d’une mission qui a réellement eu lieu.

Bref vous l’aurez compris : jetez-vous sur ce livre, vous ne serez pas déçus ! (Et si ce n’est pas encore fait, jetez-vous aussi sur les éditions Gallmeister ! )

Bonne lecture 🙂

Le Joli

4 réflexions au sujet de “Onze jours avec Lea Carpenter”

  1. J’aimerais bien me jeter sur tout ce que publient les éditions Gallmeister. Mais ça fait trop pour moi. Par contre, je note ce titre. Parce que tu es vraiment convaincante et que du coup, il a l’air extra. Et parce que je ne me serait peut-être pas penchée sur un livre qui prend pour base les attentats du 11 septembre. Donc tout ça m’intrigue.

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    1. De toute façon je pense qu’à force tout le monde aura compris que je ne suis absolument pas objective quand il s’agit des éditions Gallmeister…^^
      Ce n’est pas le meilleur que j’ai lu mais je l’ai vraiment trouvé bien foutu, y’a un boulot incroyable derrière ce livre, et rien que pour ça, il faut le lire. Et ensuite, le récit en lui même est vraiment prenant.

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