Cinéma

BlackKklansman

Il y quelques semaines sortait en salles le dernier long-métrage de Spike Lee : BlackKklansman. Grand Prix du Jury lors du dernier Festival de Cannes, ce film faisait sensation avant même sa première projection au grand public. Evidemment, je me suis laissée tentée.

Le film retrace l’histoire vraie et les prémices de la carrière de Ron Stallworth, au début des années 70. A l’heure où la lutte pour les droits civiques bat son plein aux Etats-Unis et que des émeutes éclatent un peu partout, il devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department. Forcément, son arrivée n’est pas vu d’un bon œil par tous ses collègues.
D’abord cantonné aux archives du commissariat, « le bleu » va très vite faire part de son envie d’être envoyé sur le terrain. Accédant à sa requête, son supérieur l’affectera dans un premier temps à une mission d’infiltration d’un rassemblement d’une association étudiante recevant un membre des Blacks Panthers, où il fera la connaissance de Patrice, la présidente de l’assoc’.
cinema_-_etats-unis_-_blackkklansman_-_spike_lee_-_2018Séduit par la fille, bousculé par le discours et conforté dans son idée de contribuer à faire bouger les choses, le policier tente un coup de poker. Dans les jours qui suivent, il entre en contact avec le Ku Klux Klan en se faisant passer pour la parfaite future recrue. Plutôt convaincant, il éveille la curiosité d’un certain Walter, responsable de la cellule locale, qui désire le rencontrer pour l’intégrer à la joyeuse bande de tarés qui officie à Colorado Spring.

2239164.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgSaaaauuuf que, le garçon a beau être efficace au téléphone, il n’en reste pas moins beaucoup trop noir pour passer inaperçu dans cette organisation sympatoche qu’est le KKK ce qui, avouons le, va se révéler un peu compliqué pour une infiltration. Il sera donc décidé que Ron entretiendra ses relations avec le Klan par téléphone, et que c’est Flip Zimmerman, son collègue, qui se fera passer pour lui sur le terrain, lors des réunions et autres séances de tirs.

Bref, une mission périlleuse vous vous en doutez, qui va être menée tambours battant pendant un peu plus de 2h.

J’ai trouvé ce film très intelligemment fait. Spike Lee amène les choses, tantôt avec finesse, souvent avec humour, tout en faisant monter crescendo la prise de conscience de la violence du sujet qu’il traite.
J’ai, pour ma part, été marquée par deux axes qui ressortent lors du visionnage du film. D’abord, la manière dont a choisi Spike Lee de présenter les membres de Ku Klux Klan. On commence par rire, par se dire que cette bande d’abrutis ne peut pas faire grand mal, malgré leurs idées nauséabondes. Effectivement, ils pourraient être drôles, s’ils n’étaient pas finalement effrayants et dangereux, gonflés à bloc par la haine qui les anime. A travers son film, le réalisateur met en exergue l’aseptisation du discours ultra-violent qui était celui du KKK à sa création, le tout pour séduire le plus grand nombre et ainsi prendre en importance. Il a parfois manqué cette nuance chez les personnages : on rit4416591.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxx jaune certes, mais on rit quand même. Evidemment c’est un parti pris (enfin j’imagine !), parce qu’on se sent aussi très mal à l’aise, de ne pas savoir exactement comment réagir et appréhender ce paradoxe.
C’est un ressenti qui s’illustre très bien dans le personnage de David Duke d’ailleurs, le grand chef du KKK. On ignore comment son manque de carrure a pu l’amener jusque là. Ce qui est d’autant plus perturbant et inquiétant quand on sait qu’il occupe encore aujourd’hui une place de choix au sein de l’organisation et sur la scène médiatique.

Et puis il y a Ron et Flip. Les deux coéquipiers abordent cette mission sous deux angles complètement différents au départ.
Le premier, qui a toujours rêvé de faire partie de la police, est habité par sa volonté de faire bouger les choses et de contribuer à changer l’image des « poulets » auprès de la communauté Noire. Son but : ne pas faire partie du camp des oppresseurs, tout en aidant à instaurer un climat plus serein entre ses concitoyens.
Le deuxième, ne souhaite qu’une chose : faire son boulot, terminer la mission, et passer à un autre dossier.
Au fur et à mesure que le film défile, chacun se retrouve confronté à son identité et à son héritage. Ron, en côtoyant Patrice, qui est très militante et engagée dans la lutte pour les droits civiques, est tiraillé entre ce que sa communauté attend de lui et ses propres aspirations. Grâce à cette mission, il découvrira que les deux ne sont pas forcément incompatibles. Flip quant à lui, qui porte son étoile de David autour du cou plus par habitude que par conviction, sera bousculé par les discours qu’il entendra en infiltrant le KKK, alors qu’il se pensait blindé et pas vraiment concerné (sans être insensible, entendons-nous).

Les performances de John David Washington et Adam Driver sont vraiment à soulignées (mention spéciale à ce cher Adam, qui est vraiment excellent), la bande originale est top, et la mise en scène soignée.

Il est toujours compliqué, à mon sens, d’écrire et de retranscrire le ressenti qu’on peut avoir sur ce genre d’oeuvre de manière précise. Quand le sujet traite de sujets historiques et politiques tels que ceux abordés dans BlackKklansman, il est facile d’être à côté de la plaque si les connaissances nous manquent. Donc sans en faire une analyse poussée en ce sens, il me semblait toutefois important de parler de cet objet de cinéma qui contribue à nous ouvrir encore un peu plus les yeux sur les horreurs perpétuées par une armée de tarés, aujourd’hui encore, via cette histoire hors du commun vécue par Ron Stallworth.

Bon film donc !

Le Joli

BlackKklansman, Spike Lee – Août 2018

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22 réflexions au sujet de “BlackKklansman”

  1. Julie,
    Je te remercie pour ce très bon article qui me donne bien envie de découvrir ce long métrage. J’en avais vaguement entendu parlé mais sans me décider à aller voir de quoi il traitait concrètement, alors ton article est parfait pour moi ! Vu l’importance du sujet, il a dû être difficile à traiter pour le réalisateur et les acteurs mais vu ce que tu décris, je pense qu’il peut vraiment me plaire. Affaire à suivre donc !

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    1. Le sujet a été difficile à traiter pour faire l’article en tout cas haha ! J’ai vraiment passé un très bon moment de cinéma, c’était percutant, c’était fin et violent à la fois. Franchement, pour moi, c’est un très bon film, et j’avais envie de le souligner, et d’en parler le mieux possible. Ca me fait plaisir si j’ai pu te donner envie de te lancer 🙂

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  2. Ce film m’avait fait très envie à sa sortie mais je n’ai malheureusement pas pris le temps d’aller le voir… En tout cas, je le visionnerai si j’en ai l’occasion! Je ne sais pas si tu le sais mais Ron Stallworth a écrit un livre, Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan. Je n’en sais pas plus dessus et n’ai pas eu de retour, cela ne vaut peut-être pas la peine de le lire si tu as vu le film, mais pour ceux qui préfèrent la lecture, cela peut être une piste! 🙂

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    1. Ouuui j’ai vu qu’il avait écrit un bouquin ! Forcément ce sont des livres que tu as envie de découvrir, un peu comme 12 years a slave (dont j’ai appris tardivement que c’était aussi un livre à la base). Je t’avoue que je ne sais pas si je prendrai un jour le temps de m’y pencher (il y a tellement de livres^^), mais si un jour l’occasion se présente, pourquoi pas 🙂

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        1. Ahaha bah tu vois ! Pour le film perso je l’ai vu une fois, mais je ne penses pas que je réitérai l’expérience. Pas que ce soit un mauvais film, bien au contraire, mais le visionnage a été éprouvant. Après, vu le sujet, je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement de toute façon..

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    1. Merci ! N’hésites pas à me dire si tu t’es finalement laissée tentée, j’aimerai beaucoup avoir ton avis, tu t’en doutes 🙂
      Pour ma part, je suis aussi allée voir Les frères Sister le weekend dernier, et c’est ce qu’on appelle un très bon film ! 🙂

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      1. Ça marche !
        Je ne sais pas ce que c’est, je vais aller voir. Je suis complètement à la ramasse niveau ciné depuis que j’ai quitté Paris… Mais je m’aperçois que ça ne me manque presque uniquement quand quelqu’un me parle de film actuellement au cinéma. Sinon, je n’y pense plus tellement.
        (Tu as reçu mon mail au fait ?)

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  3. En voyant la bande-annonce, je me suis directement dit qu’il fallait que je vois ce film!
    Je n’ai pas encore eu le temps, mais ton article me donne encore plus envie!
    PS: Je viens de voir que c’est l’adaptation d’un livre, du coup, je pense que je vais le lire^^

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