Cinéma

Les frères Sisters

Le 19 septembre, Les frères Sisters, le dernier film de Jacques Audiard sortait en salles. Deux jours plus tard, j’étais au cinéma, attendant tranquillement que les premières images apparaissent à l’écran. J’étais vraiment impatiente de découvrir ce film, déniché par hasard au gré de mes visionnages mensuels de bandes-annonces, mais je n’en ai pourtant pas parlé d’emblée sur le blog, contrairement à mon habitude.

Vous vous dites peut-être alors que c’est mauvais signe d’avoir attendu, que je préparais sournoisement une critique assassine et bien mesquine. Râté ! Ce jour n’est pas encore arrivé, et n’arrivera d’ailleurs jamais. En fait, je ne pense pas écrire un jour sur un film ou un livre sur lequel j’aurai eu un sentiment plutôt « bof », déjà parce que j’aurai sûrement la flemme et aussi parce que je me dis que mon avis n’est pas universel (sans déc’ ?) et qu’il serait dommage de « priver » les autres d’un bon moment.

Pas de suspense inutile donc : j’ai aimé ce film ! 

the_sisters_brothers_7730.jpeg_north_1323x718_transparentDans cette adaptation du livre de Patrick deWitt (que je n’ai pas lu), on fait la connaissance de Charlie et Eli Sisters, deux frères, « S-I-S-T-E-R-S, comme des sœurs », qui sont très loin d’être des enfants de cœur. Pour résumer : ils tuent, sans distinction de sexe, de race, de culpabilité (ou pas). C’est leur métier, ils sont payés pour ça, et ils n’ont pas d’états d’âme à le faire.
Assez vite, on comprend que Charlie, le cadet, a plus ou moins ça dans le sang, tandis qu’Eli a plutôt l’air d’aspirer, malgré tout, à une vie normale et tranquille.
On est donc en présence de deux personnalités bien distinctes, unis par les liens du sang, dans tous les sens du terme finalement.

L’histoire commence réellement au moment où ils sont engagés, par leur « patron » habituel : Le Commodor. La nouvelle mission est simple :  retrouver et tuer un homme (pour changer). Cet homme c’est Hermann Kermit (pas la grenouille, un autre, uhuhuhu) Warm, et il a en sa possession une information qui pourrait permettre de révolutionner la ruée vers l’or (en plein boom à cette époque).
En amont, le Commodor a chargé, John Morris, jeune homme de bonne famille ayant soif d’aventures et de liberté, de traquer Warm et s’attirer sa confiance. Dès lors, Charlie et Eli devront le retrouver afin de récupérer « le colis » et s’en débarrasser. 
Le film défile, avec d’un côté les frères Sisters et de l’autre le duo Warm/Morris, jusqu’à l’inéluctable rencontre entre les quatre hommes…

Ne connaissant pas le roman éponyme de Patrick deWitt, je ne m’attendais à rien de plus du film que ce que m’avait montré la bande-annonce. Un genre de western/roadtrip familial pour deux frères en errance. Même si ça paraissait réchauffé sur bien des aspects, j’étais malgré tout assez confiante pour passer un bon moment, mais je ne pensais pas être à ce point retournée par cette histoire.

Parlons d’abord des deux frères. L’aîné, celui qui protège, qui modère. Et le cadet, sans filtre, de tous les excès.
Bien entendu on pense tout de suite que cette petite entreprise familiale spécialisée dans les tueries en série, c’était finalement le plan de carrière le plus facile pour ces deux hommes effroyablement doués dans ce qu’ils font. Et puis en fait, on s’aperçoit (évidemment) que ce n’est pas aussi simple. Que la vie aurait pu être différente, si elle n’avait pas été aussi cruelle si tôt. Dis comme ça, ça fait un peu « Pleurons dans nos chaumières », c’est vrai, mais c’est tout ce que je peux écrire sans trop en dire non plus !

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Personnellement, j’ai été touchée par le personnage d’Eli (campé par le génial John C. Reilly). Dès le départ, on se demande comment cet homme a pu en arriver là, tant sa personnalité paraît être à mille lieues de ses actes.
Alors, entendons-nous bien, il reste redoutable, et c’est un meurtrier. Mais sa personnalité reflète autre chose : il est sensible, intelligent et aspire sans aucun doute à une vie stable et, dans la mesure du possible, sans effusions de sang. Bref, il a en fin de compte, au fond de lui, des intentions plus qu’honorables (ou en tout cas plus honorables !).

Seulement voilà, il y a Charlie, son petit frère. Et en tant qu’aîné, son devoir est de soutenir son cadet. Le schéma semble être un peu simpliste, mais c’est pourtant la meilleure façon de résumer la situation dans laquelle se trouve ce personnage complexe. Tout au long du film, on le voit se débattre entre ses aspirations et ses « devoirs », tout ça étant agrémenté d’une bonne dose de regrets. 

1537341871_d-bLe petit frère parlons-en (parfait Joaquin Phoenix), parlons-en ! Perpétuellement saoul, sans une once d’humanité apparente et avec une gâchette plus que facile, Charlie Sisters est un homme charmant (non). Si on a clairement pas envie de le prendre dans nos bras, on devine pourtant chezlui des blessures d’enfance qui l’ont amené là où il est aujourd’hui. Ce personnage représente pour moi toute la complexité de l’être humain face aux épreuves de la vie et quel chemin il choisit pour y faire face. C’est comme si on avait, dans un corps d’adulte, l’esprit d’un enfant qui a dû grandir trop vite, et donc qui a fait des mauvais choix. Toute proportion gardée, notamment par rapport à l’époque du récit, Charlie est le modèle même du destin brisé. Et s’il a l’impression d’être maître de chacune des situations auxquelles il doit faire face, personne n’est dupe (pas même lui ?), il subit sa vie.

Freres-SistersPour finir,  il y a le tandem Morris (Jake Gyllenhaal toujours aussi juste)/Warm (Riz Ahmed, la découverte).
Sans surprise, ces deux hommes, qui étaient à la base « ennemi », se lient d’amitié. On découvre deux personnes humanistes, en avance sur leur temps et sûrement un peu trop idéalistes pour leur époque. J’avoue que j’aurai aimé en savoir plus sur ce duo que l’on quitte finalement avec un goût de trop peu. 

On passe une bonne partie du film à se demander ce que la rencontre entre ces quatre-là pourra bien donner, on élabore des scénarios, et forcément on est surpris. Pour ma part, ce n’est qu’en réfléchissant à tête reposée que j’ai fini par me dire : « En fait, ça n’aurait pas pu se passer autrement ». J’ai repensé à chacun de ces hommes, à ce film qui nous montre quatre parcours de vie bien différents, avec des personnalités bien distinctes et affirmées.
Comme je le disais, le film de Jacques Audiard aurait pu être un énième western. J’y ai finalement vu une ode à la liberté, à la vie et surtout à l’humanité. Le tout dans des décors vraiment somptueux, que demander de plus ?

Jetez-vous sur ce film, il en vaut la peine !

Le Joli

Les frères Sisters – Jacques Audiard – 2018

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11 réflexions au sujet de “Les frères Sisters”

  1. Julie, je te remercie encore pour cette belle découverte cinématographique ! Je dois bien avouer ne pas être du genre à surveiller les bandes annonce mais je devrais vraiment le faire car tu dévoiles toujours des longs métrages qui me font envie dans tes articles. Je dois prendre un peu plus le temps d’aller au cinéma pour les découvrir d’ailleurs aussi.
    Celui-ci me fait bien envie, mais je vais surtout en parler à mon copain, c’est tout à fait son genre je pense !
    Merci à toi, encore une fois et belle journée !

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  2. Là, je regrette vraiment de ne plus trop aller au cinéma. Ton enthousiasme est communicatif et j’ai du coup terriblement envie de voir ce film ! En plus, j’aime beaucoup Joaquin Phoenix (même si j’ai vu très peu de ses films en réalité). Je pense vraiment qu’il pourrait me plaire !

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