Littérature

L’envol du moineau

Voilà un livre que je suis bien contente d’avoir découvert ! Pour cela, je dois remercier Le Picabo River Book Club ainsi que les éditions du Cherche-Midi grâce auxquels j’ai pu recevoir ce roman. En étant tout à fait honnête, le récit d’Amy Belding Brown n’aurait certainement jamais figuré sur ma liste de livres à lire pour la simple (et pas forcément bonne) raison que je trouve la couverture choisie relativement moche (pardon pardon pardon !)… Mais comme on dit, « Il ne faut pas juger un livre sur sa couverture », et cet adage s’est révélé tout à fait adapté à L’envol du moineau !

66AF9D1F-89D4-4BDD-9C6C-39A67410028F (1).jpegNous sommes à la fin du XVIIe siècle, dans une colonie de la baie du Massachusetts. Mary Rowlandson vit à Lancaster, une colonie anglaise, où elle bénéficie d’un statut important puisqu’elle est la femme du pasteur, Joseph Rowlandson, avec qui elle a trois enfants : Joss, Marie et Sarah.
Mary a tout, ou presque, de la femme puritaine anglaise de son temps : épouse dévouée et travailleuse, mère aussi attentionnée qu’il lui est permis de l’être, elle souffre pourtant du carcan imposé par cette vie, où la rigidité morale l’étouffe chaque jour un peu plus.
Un jour, au petit matin, alors que Joseph est absent pour quelques jours, des guerriers Indiens attaquent violemment Lancaster. Beaucoup de colons, dont l’une des sœurs de Mary, sont tués. Lors de l’attaque, la jeune femme perd la trace de ses deux aînés, Joss et Marie, et prend la fuite avec sa cadette, Sarah. Très vite rattrapées, elles sont également blessées. Touchée à l’abdomen, Sarah est très mal en point. Elles sont contraintes de rejoindre les survivants de la colonie qui sont fait prisonniers par les Indiens.
Là, Mary et sa fille, tout comme les autres colons, sont vendues en tant qu’esclaves à une famille indienne. C’est le début de plusieurs mois de captivité, rythmés par de longues marches d’un site à un autre où la tribu, elle-même en fuite car traquée par l’armée anglaise, établit successivement ses camps. Une vie dure où les tâches quotidiennes, l’épuisement et la faim sont omniprésentes. Pourtant, contre toute attente, c’est dans la captivité que Mary va découvrir la liberté…

En s’inspirant du vécu de la vraie Mary Rowlandson, Amy Belding Brown explique la manière dont elle a travaillé, les documents et archives qu’elle a pu consulter pour aboutir à ce texte, et c’est très intéressant.
Au delà de l’aspect historique de cette du récit, et de l’envie qu’elle m’a donné d’en savoir plus sur ce pan de l’Histoire américaine, plus largement de la destruction (parce que c’est le mot) du mode de vie indien par les colonies anglaises, j’ai surtout trouvé le personnage de Mary très complexe et donc forcément, très profond.

Dès le premier chapitre, on sent Mary habitée par un désordre émotionnel plus ou moins constant. Tiraillée entre sa volonté d’être une vraie femme puritaine bien sous tout rapport, fidèle aux préceptes dictés par le Seigneur, et son indignation face aux différentes injustices dont elle est témoins, elle étouffe.
Prisonnière des Indiens, esclave personnelle de la guerrière Weetamoo, elle va rapidement s’acclimater à son nouveau mode de vie et va surtout découvrir que ces « sauvages », ces hommes et ces femmes qu’on lui a appris à haïr, ont bien plus de choses à lui apprendre qu’à lui enlever. Bien que captive, elle bénéficie néanmoins d’une liberté de mouvement à laquelle elle n’avait jamais pu goûter en tant que femme « libre ». Bien que sous le joug permanent d’une mort qui peut subvenir à tout moment, elle se surprend à aimer sa nouvelle vie et ses ravisseurs, qui respectent sa vie plus qu’elle-même n’a su respecter celle du jeune esclave qu’avait un jour « accueilli » dans son foyer.

Quand vient le jour de sa libération et du retour à la « civilisation », Mary prend de plein fouet toute l’hypocrisie et les contradictions du monde dans lequel elle a grandi, s’est marié et a élevé ses enfants. Face à ce mari qui n’est capable de lui parler que de justice divine et de volonté du Seigneur, elle arrive de moins en moins à courber le dos.

Le récit d’Amy Belding Brown est violent, triste et mets en exergue bien des injustices. C’est aussi une ode profonde à la liberté d’une femme, mais aussi d’un peuple, tous deux écrasés par la doctrine de l’Homme Blanc. C’est une fois de plus compliqué de se savoir appartenir à cette « caste » qui, dans l’Histoire, a finalement ravagé tout ce qu’elle trouvait sur son passage pour asseoir son pouvoir et sa « légitimité », en soumettant tous ceux qui osaient lui résister.
Un livre utile qui, même s’il ne fait « que » s’inspirer d’une histoire, rappelle l’importance de ne jamais oublier l’Histoire en elle-même.

Bonne lecture !

Le Joli

9 réflexions au sujet de “L’envol du moineau”

  1. Ton article est très bien écrit et même si tu m’avais déjà émit l’idée qu’il pouvait me plaire, je pense sincèrement que ça peut être le cas. Mention spéciale pour cette dernière phrase que je trouve joliment tournée ! 😘

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    1. Héhéhé merci Julie 🙂 ! J’avoue, je suis assez contente de ma phrase de conclusion…^^
      En tout cas je te le confirme, ce livre est pour toi je pense ! Il se lit assez vite donc si ça t’intéresse…. 😉

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  2. Tu as attisé mon intérêt avec ce bout de phrase : « dans la captivité que Mary va découvrir la liberté ». Et ce que tu dis ensuite me donne très envie ! Hop, wishlist ! (je te rassure, je trouve pas la couverture bien terrible non plus xD)

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    1. Ahahaha ! ça y’est maintenant j’ai la pression ! Tes articles sont tellement complets et intéressants que je suis assez contente d’avoir pu attiser ta curiosité avec le mien ! Si jamais tu as l’occasion de le lire je serai évidemment très intéressée par ton avis, tu penses bien !
      Il y a des choses que j’aurai aimé plus développer, notamment sur le conflit intérieur qui habite Mary tout au long du bouquin mais je pense que ça aurait été trop en dire… J’attends de tes nouvelles donc 🙂

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  3. Ok, tu m’as complètement donné envie de le lire ! Plusieurs éléments ont attiré mon attention dans ce que tu en dis, je pense qu’il a des arguments pour me plaire ! (Tu m’as même fait oublier l’atrocité de la couverture au fil de ta chronique !)

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