Cinéma

Articles à 4 mains autour du Joker !

A film exceptionnel, article exceptionnel. Pour le Joker de Todd Phillips, nous avons décidé d’écrire  à deux ! Après avoir tourné ça dans tous les sens, La Moustache et Le Joli vous livrent leurs impressions !

moustache.JPGLa Moustache

C’est une mise en scène magistrale alliant maîtrise et originalité qui accompagne ici l’une des figures les plus connues des incontournables Vilains. Pour ce Joker, Todd Phillips signe des plans d’une qualité rare, qui révèlent sur grand écran un Joaquin Phoenix littéralement dingue. Esthétiquement des couleurs et une lumière qui appuient et font peser une atmosphère dont on ne ressort pas, qui s’impriment sur la rétine, autant que les sensations du film imprégneront votre corps et votre esprit.

Loin d’être un film de Super Méchant comme beaucoup auraient pu s’y attendre (ou s’y sont attendus), le Joker s’alimente avec un savant mélange d’émotion, de finesse, d’une montée en pression subtile, de peurs et angoisses. La révélation du célèbre personnage se fait sans artifice, de fil en aiguille, de nombreux coups dans la gueule en blessures, sans tomber dans la facilité d’un prétexte scénaristique unique pour attiser violence et fureur. Non, l’histoire progresse, le personnage évolue, la folie est traitée au quotidien et c’est une lente évidence dramatique qui nous arrive au visage.

Cette folle société, cruelle de vérité et d’actualité, sans la montrer à outrance, sert de décor à la grande interprétation, autant artistique que physique, de Phoenix. De l’isolement des marginaux aux difficultés médicales et financières générales, elle laisse profiler le destin sombre et entend les cris monter de Gotham City qui, célèbre pour ces nombreux héros et crimes de fiction, pourrait sans nul doute coller à beaucoup d’autres villes bien réelles.

Monde, attention, le réveil n’est peut être pas si loin…

Le JoliJoli.JPG

Du grand, du très grand Joaquin Phoenix ! J’attends toujours les films de cet acteur avec impatience, tant je sais que je ne pourrai pas restée insensible face à son interprétation. Ma dernière claque en date remonte à l’année dernière avec Les Frères Sister, dont j’avais d’ailleurs parlé ici. Alors dire que je trépignais à l’idée de le découvrir dans le rôle du Joker, c’est à peine en rajouter !

Evidemment je n’ai pas été déçue – comment l’être ? – mais le film de Todd Phillips, à travers ce personnage campé par Phoenix, a fait naître une palette d’émotions en moi que je n’aurai pas pensé ressentir avec ce film. Car Joker n’est pas le film de « Super Méchant » que j’aurai imaginé. Joker ne choisit pas cette facilité. Joker nous pousse dans nos retranchements au fur et à mesure qu’il pousse son personnage principal dans sa folie destructrice. Et ça fait mal.
Ça fait mal parce que bien plus qu’un film, Joker est aussi le portrait d’une société qui brûle et d’un homme abîmé, à la fois invisible mais aussi trop gênant pour le commun des mortels puisque pas dans la norme, qui n’arrivera jamais à se relever de la misère de sa propre existence jusqu’à sombrer dans la violence la plus extrême.
Ça fait mal parce que ce personnage de fiction, cette ville fictive (même si on reconnaît quand même bien fort New-York), pourraient finalement être n’importe qui, n’importe où. Et parce que dans ce film le Mal fait la part belle au Bien, qu’on se rend compte avec un goût amer dans la bouche, que ce mec qui fume beaucoup trop de cigarettes, qui se trimbale des valises plus grosses que le manoir des Wayne, ce mec de qui on se sent tellement éloigné parce que notre vie à nous est quand même bien plus belle, ce mec pourrait très bien être nous. Ou le mec dans le siège d’à côté. Et là, ça fait peur.

Oui parce que le film de Todd Phillips, dont la qualité est indéniable, pose aussi à mon sens des questions « morales ». Sans vouloir surfer sur tous les articles qui ont pu paraître à ce sujet (que je n’ai d’ailleurs pas lus) depuis la parution de Joker, je ne parlerai ici que d’un ressenti personnel, celui qui ne m’a pas quitté durant les quelques heures qui ont suivi la séance à laquelle j’ai assisté. Ce ressenti, ce sentiment, c’est un profond malaise. Pourquoi ? Justement parce que quand apparaît le générique de fin, je ne me suis pas dit « j’ai passé un bon moment devant un bon film ! ».
Le film est bon, très bon même, mais je ne peux pas dire que j’ai passé un bon moment. Pourquoi ? Parce que je n’ai pas considéré Joker comme un divertissement, mais plutôt comme une introspection, sur la part sombre que l’on a – je pense – tous au fond de nous-même, et qui, bien aidée par un certain nombre de coups sympathiques (non) que peut nous faire la vie, pourrait éclater et faire des dommages irréversibles.
Il semble opportun de relever tout de même que le Joker n’est pas juste, je pense, un « simple mec qui pète un plomb ». Le Joker n’est pas un mec lambda. Certes la vie ne lui a rien épargné, mais cet homme est avant toute chose un sociopathe, une bombe à retardement qui fini par exploser et qui va continuer, après coup, à faire beaucoup de dégâts. Il me paraît donc important de souligner d’un côté le talent incontestable de Phoenix et de l’autre la folie implacable et destructrice du personnage. Finalement, le plus grand défi pour le spectateur en sortant de la séance est bien ça : applaudir le premier sans glorifier pour autant le second.

Joker – Todd Phillips (2019)

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12 réflexions au sujet de “Articles à 4 mains autour du Joker !”

  1. Ça faisait tellement longtemps ! Je suis super contente de vous lire ! Sinon, que dire ? A vous deux, vous avez tout dit et cette double chronique est juste parfaite. Je suis d’accord avec vous d’un bout à l’autre et vous m’avez donné une énorme envie de revoir ce film qui m’a remuée, chamboulée, fait réfléchir, bref, que je n’oublierai pas de sitôt. Bravo !

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    1. Oui on revient tout doucement ! Heureuse de voir que tu fais toujours partie de notre petite lectorat en tout cas, ça fait super plaisir de te voir ici ! Je suis passée par ton blog il y a quelque jours d’ailleurs.. encore pleins de choses très intéressantes à lire 😉

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  2. J’entends beaucoup parler en bien du film, et j’ai une question : diriez-vous que, dans la famille des Vilains, le scénario se base plus sur les « triggers » du personnage que sur les conséquences de ses actes ? C’est souvent ce que j’ai l’impression de lire en sous-texte.

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  3. Mince alors, mais franchement, j’ai du mal à comprendre l’engouement généralisé autour de ce film et l’unanimité qu’il génère en mode « Waouh, trop un chef d’oeuvre ».
    Je veux bien admettre que c’était pas un navet (surtout au milieu de l’océan de daubes dont on nous abreuve depuis quelques années)(oui, Marvel, c’est de toi que je parle) et que ça semble évident de faire le deuil du Joker avec un J majuscule parce que les origines papier de tout ça sont plus un prétexte marketing qu’autre chose (le blockbuster qui se fait passer pour un film d’auteur clivant, belle performance) mais au delà… C’était bien trop vide pour moi.
    Comme si on voyait un film sans point de vue ni parti pris, juste un gros exercice de style, avec des beaux effets, du joli son et la possibilité pour chacun d’en faire sa lecture personnelle (rarement vu autant de grands écarts sur les visions d’un m^me film : les suprémacistes blancs ici, les incels par là, les asexuels et les autistes hypersensibles HPI dans le coin à gauche, les gilets jaunes parce que lol maintenant qu’on en est là hein allons y gaiement … et avec à chaque fois une légitimation des actes du personnage en mode « Ouais, mais t’as vu la vie de merde qu’il a, normal qu’il pète un plomb puis bon il a tué que des enculés donc GO GO GO JOAQUIN ») parce que scénariste et réalisateur se sont visiblement pas posés la question eux mêmes.
    Du vide totalement inassumé, qui se donne un style de « On va dénoncer des choses, les gars, regardez bien comme on va taper trop juste je vais direct choisir mon costume pour les Oscars allez bisou« . Bref, j’ai trouvé le film gênant à regarder et franchement malaisant. Mais absolument pas pour les raisons auxquelles je m’attendais (et qui en auraient fait, pour moi, un… bon film, erm).
    C’est un coup dans l’eau pour moi.

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  4. Bonjour,
    Attention chef-d’oeuvre.
    J’ai été bouleversée par ce film et l’interprétation du Joker par Joaquin Phoenix.
    Phoenix sait rendre le Joker terriblement attachant, on a envie de l’aimer et de le protéger.
    Le travail de l’acteur pour coller à la gestuelle du clown dans sa vérité nue est une pure poésie…
    J’ai aussi été subjuguée par le jeu du corps, la fameuse scène de la danse qui vient littéralement éblouir le film… comment dire, c’est à pleurer car la grâce s’unie intimement à la folie, c’est du génie, un envoûtement.
    Je pense que pour l’acteur, cela n’a pas dû être facile de sortir d’un tel personnage.
    Sincèrement.

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